Montlhéry 2014 : journée historique
Tout cela remonte à plus de vingt-cinq ans, mais le souvenir en est toujours aussi net dans ma mémoire. C’était une sorte de pèlerinage annuel. On se levait aux aurores pour prendre la route, pas celle de St Jacques bien sûr, mais la N20 direction Montlhéry et son mythique anneau…
Le plus souvent je m’assoupissais sur la banquette arrière de la jag Mk2 paternelle, bercé par le ronron du six en ligne et les effluves du cuir Connolly. En principe j’émergeais vers Etampes et déjà le flux de circulation était parsemé d’anciennes. Parfois aussi on s’arrêtait bien avant, et il fallait se tasser sur la banquette arrière avec ces «naufragés de la route» qu’un joint de culasse ou un roulement hors d’âge avait trahit. A cette époque internet ne facilitait pas encore la recherche de pièces détachées. La plupart des autos n’avaient pas encore connu le bonheur des restaurations «bolts & nuts» mais affichaient une belle patine. Pas non plus de téléphone portable alors on roulait en convoi, pour être sûr de ne perdre personne. La route prenait des allures de chevauchée fantastique.
Arpajon et sa myriade de casses et autres concessionnaires annonçait l’arrivée en terre promise. Mais avant cela le «fidèle» se devait d’affronter une dernière épreuve : l’embouteillage de Linas et la terrible montée de l’avenue Georges Boillot, manomètre de température calé dans le rouge. Puis enfin, on pouvait franchir le tunnel de la porte Jean Rédélé et rejoindre l’esplanade au centre de l’anneau. Ensuite difficile de ne pas succomber à la magie du lieu. Des autos par centaines, un plateau d’une exceptionnelle variété qui égrenait ça et là d’authentiques raretés. Mais avec mes yeux d’enfant je ne voyais que les bolides sur la piste. Comme marqué au fer rouge je revois distinctement les Cortina Lotus piquer les Minis Cooper au freinage du Faye. Elles étaient talonnées par les Neue Klasse tandis qu’une paire de Galaxies faisaient rugir leur V8 aux avant postes. Et comment oublier la grâce inégalable des Type D et Birdcage se déjouant d’un trait de dérive arrière des chicanes ?
«Papa !! Y’a une autre 2002 derrière !» Fin du flashback, retour en 2014. Bien des choses ont changées. Certains sont partis, comme mon père et sa MK2, d’autres sont arrivés comme le petit bonhomme de cinq ans qui à son tour a fait de la banquette arrière de notre BMW «son royaume». Mais certaines choses sont immuables. La porte Jean Rédélé est toujours là et l’immense mur blanc qui se dresse face à nous, nous laisse imaginer l’impressionnante structure qui supporte l’anneau depuis 90 ans. Alex nous accueille d’une poignée de main chaleureuse, le visage marqué par la fatigue. C’est qu’il en aura fallu de la passion et de la persévérance pour que les 80 privilégiés que nous sommes puissent, l’espace d’une journée, recréer l’ambiance des plus belles heures du circuit. Rapidement, nous sommes guidés par l’équipe souriante et efficace de Paris Auto Events qui gère l’infrastructure de la piste. Franck de Passion Auto France nous offre un café – croissant bienvenu ainsi que quelques «goodies» à l’effigie de cette journée. Même à l’arrêt, sa sublime Escort mk1 en impose. Arborant fièrement les couleurs de sa boutique, elle constitue la meilleure carte de visite qui soit. Il n’a pas fait le voyage seul depuis l’Angleterre. Dans ses bagages il nous a apporté un groupe de fanas de la 911 qui n’ont pas hésité à faire ce long roadtrip jusqu’à la ville lumière. L’occasion de donner une touche internationale au SCCT.
Un tour du paddock permet d’apprécier la diversité et la richesse des autos présentes. Les 911 ont posé leur empreinte sur le plateau rouge avec une variété de modèles enviable. S châssis court, T, Carrera RS 2.7l et même ST (!)… autant d’acronymes qui font accélérer le rythme cardiaque de tout amateur. Mais point de monoculture ! Les belles de Stuttgart partagent la piste avec les puissants V8 des Mustang et de la Galaxie. Sans oublier non plus quelques Munichoises musclées, ou encore la surprenante Jidé 1600 qui nous rappelle les exploits de notre Jeannot national. Le plateau jaune a un parfum de groupe 2 & 4. On dénombre quantités de modèles emblématiques des rallyes d’époques : Berlinettes Alpine et A310, Ford Capri et Anglia, Volvo Amazon et 142S, Opel Manta, Talbot Sunbeam… mais aussi de plus exotiques TVR, Austin Healey, MG et même quelques formules Ford.
Quant au plateau vert, montez à bord je vous emmène le découvrir en piste. Mais avant ça il nous faut passer par la case Briefing. Denis Huile le responsable de PAE-UTAC nous présente ses équipes. L’occasion de constater qu’il y aura du monde pour prendre soin de nous. Une équipe médicale bien sûr, mais aussi des commissaires vraiment professionnels. La plupart sont des habitués des 24H du Mans, et nous avons pu apprécier leur efficacité tout au long de la journée. De leur côté, à les voir nous prendre en photos ou nous saluer d’un pouce levé dans le tour de décélération montre qu’ils ont apprécié le spectacle.
Mais il est temps de prendre la piste. Comme beaucoup de participants c’est ma première sur ce tracé dont j’ai tant rêvé. Cernés par les deux magnifiques R8 gord et à la poursuite des coupés Bertone on se croirait vraiment plongés en plein «âge d’or». Arrivés au virage du Faye (et son terrible dévers inversé où il faut frôler la barrière en sortie) nous nous retrouvons roues dans roues avec l’Audi 50 et le Scirocco mk1. L’Escort RS2000 et la Mini Minus ont pris le large, tandis que les deux Seven sont en point de mire. En abordant ce morceau d’histoire qu’est le circuit de Montlhéry, se posait la question de savoir si la réalité serait à la hauteur du mythe ? Assurément ce n’est pas un billard moderne et c’est là où réside la magie de ce tracé. Bien sûr l’asphalte est bosselé par endroit, mais cela n’en rend les freinages que plus exaltants, lorsque debout sur la pédale du milieu on sent le train arrière louvoyer sous l’effort. Et puis quelle sensation extraordinaire que de monter le long de la clotoïde puis se jeter à fond de 3 dans les chicanes. Au moment d’amorcer la manœuvre le montant du pavillon masque quasiment le point de corde et cela renforce encore l’impression de vitesse. Partout le circuit rappelle son histoire hors norme. Comme le mur à la corde des deux ponts, où les peintures des réclames murales portent les stigmates de tous ceux qui, un jour, ont voulu prendre trop court pour gagner quelques précieux centièmes. Les tours s’enchainent avec fluidité permettant de rouler l’espace de quelques virages en compagnie d’autos aussi variées qu’une AMC Pacer, qu’un DB Panhard ou encore de magnifiques barquettes Simkit ou Marcadier FM01. Le fair play et l’adresse des pilotes parachèvent le plaisir pris en piste. Ce qui sera salué par l’organisateur nous faisant remarquer que, chose rare, pas une quille ne fut renversée de la journée dans la chicane des stands. Fin de la session je la termine côte à côte avec l’Alfa Duetto de Thierry. Pour nous, c’est plus qu’un pilote, car c’est l’homme qui nous assure, au travers de son agence AXA. Et c’est grâce à lui que nos participants et nous-mêmes organisateurs pouvons profiter de cette journée sereinement.
De retour aux stands les discussions entre passionnés vont bon train. On retrouve Thibaut Amant, rédacteur en chef d’Auto Collector, Big Block et KM/H. Lui aussi a cru très tôt au SCCT et n’a eu de cesse de nous encourager en nous ouvrant en grand les pages de ses magazines. Alors forcément il savoure tout comme nous la réussite de cette sortie. Vue du bord de piste le spectacle est envoûtant. Les couleurs chamarrées et très 70’s des bolides se disputent à la symphonie des moteurs. Assurément ce n’est pas un challenge monotype !
En fin de journée la fatigue et les sourires se partagent les visages. Le propriétaire d’une A310 m’interpelle «merci pour tout» me dit-il. «Je venais ici quand j’étais gamin pour voir les essais. On prenait le bus ou bien la mobylette, et entre copains on venait rêver de nous aussi piloter… et il aura fallu un paquet de temps pour que ça se fasse… mais c’était géant et aujourd’hui c’est ma fille qui pilote»… Assurément l’autodrome aura été à la hauteur de sa légende.
Je retrouve mon fiston au niveau de la chicane Sud, les yeux brillants d’étoiles : «t’as vu papa y’a une Jaguar». Bien sûr que je l’ai repéré cette Mk2, poussée dans ses derniers retranchements par un pilote survolté ! Main dans la main avec mon petit garçon, je croque ma madeleine de Proust en contemplant le félin de Coventry se déhancher dans les courbes… Dernier clin d’œil du destin, la Jag paternelle était elle aussi Old English White.
L’équipe du SCCT tient à remercier les participants à cette sortie qui, par leur fair play en piste et dans les paddocks, ont fait de cette journée une totale réussite. Nous espérons que ce compte rendu vous aura fait revivre de bons moments. Un «special thanks» pour nos partenaires sans qui rien ne serait possible : Passion Auto France, AXA agence Thierry Pierre et le groupe RIVA au travers de ses titres Auto Collector, Big Block et KM/H. Surveillez-les chez vos libraires vous pourriez avoir de bonnes surprises. Un dernier mot enfin pour l’équipe de Paris Auto Events pour sa bonne humeur et son professionnalisme.
Nous vous donnons rendez-vous du 6 au 8 juin pour le Grand Prix de l’Âge d’Or version «Dijon» puis le 11 Octobre sur le tracé de Magny-Cours Club.
Visionnez les photos sur notre galerie: http://photo.scct.fr/
Les photos de Sourire Création: http://sourirecreation.free.fr/index.php?/category/37
Les vidéos de la journée sont ici : https://www.youtube.com/results?search_query=scct+montlhery
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